Je vous ai déjà parlé deux fois, ici et là, de l’acteur et réalisateur Albert Dupontel qui a été un grand lecteur de Laborit. Son dernier film, Adieu les cons, a remporté le 12 mars dernier sept César, dont 4 récompenses personnelles pour le meilleur film, la meilleure réalisation, le meilleur scénario et le César des lycéens. Mais Dupontel n’est pas venu chercher ses récompenses, laissant sa femme et productrice le soin de le faire. Il ne s’était pas non plus présenté par le passé pour la réception de prix semblables pour d’autres films. Et pour expliquer sa position, il cite une phrase de vous devinez qui… Voici l’extrait en question, suivi des conséquences plus larges qu’il en découle :
“Être artiste, c’est chercher à élever son niveau de conscience. J’ai conscience de l’absurdité de cette définition. De sa réduction aussi”, estime cet ancien étudiant en médecine avant de citer le célèbre neurobiologiste Henri Laborit. “Il a une phrase qui m’a souvent hanté : ‘l’intelligence se fout de la compétition’. Partant de loin en ce qui concerne l’intelligence, j’essaie justement de ne pas trop être compétitif”, ironise-t-il.”
Albert Dupontel voit également une dimension politique ET écologique à sa démarche. “Je dirais que géopolitiquement, être le meilleur, c’est quelque chose qui est en train de faire fondre la planète“, lâche-t-il. “Toutes ces multinationales, ces produits, ces hommes d’affaires qui veulent être les meilleurs. Le résultat, c’est que la banquise fond et on se chope des virus. Donc ça serait bien d’arrêter d’être le meilleur et d’être juste soi-même, d’écouter un petit peu autrui et je pense que la planète peut se calmer. Mais bon, je ne suis pas sûr d’être entendu parmi les meilleurs !“.
Il dit aussi un peu plus tôt dans l’entrevue :
“J’ai beaucoup de prudence par rapport à la définition ‘être le meilleur de quelque chose’. Je trouve qu’être le meilleur en matière de goût, c’est une histoire très personnelle (…) Le meilleur vin, c’est celui que vous aimez, le meilleur film c’est celui que vous avez aimé. Ce n’est pas discutable, ce n’est pas négociable.“
En ce sens, la seule chose que je peux vous dire c’est que j’ai été voir le film et que je l’ai beaucoup aimé ! Bon, vous allez dire que l’influence commune de Laborit ne peut pas nuire… et vous aurez sans doute totalement raison ! 😉 Avec son parti pris anti répression policière, anti bullshit jobs, anti gentrification et pour la quête d’un peu d’humanité dans tout ça pour essayer de s’aimer malgré tout, c’est sans contredit un film que Laborit aurait adoré !
Si vous êtes à Montréal, dépêchez-vous : il joue encore cette semaine au Cinéma Beaubien, un cinéma de quartier dans l’esprit du film…
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P.s.1 : En allant relire la définition de bullshit jobs sur Wikipedia inspirée des travaux de David Graeber (en suivant l’hyperlien ci-dessus), j’ai souris en voyant que la traduction française du concept était “emploi à la con”, comme quoi on parle vraiment des mêmes choses ici ! Et en plus, on dit que ce genre d’emploi où il y a perte de sens mène à une “démission intérieure”, un “burn out” ou un “brown out”, tous des synonyme finalement de l’inhibition de l’action si bien expliquée par Laborit.
P.s.2: Ça faisait plus de deux mois que je n’avais rien publié ici. J’espère pouvoir vous revenir plus d’ici quelques semaines la prochaine fois avec un suivi fort intéressant du dernier billet sur la thèse d’Alain de Gantes sur Laborit.
Eloge de la fuite?
Oui quand la vague de la bêtise est trop haute .
« Deux familles françaises quittent la France d’aujourd’hui… par jour
Je veux absolument voir ce film. Merci.