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Hans Selye et le stress, Laborit et l’inhibition de l’action

Selye

Hans Selye (Source : archives Université de Montréal)

Voici un premier “dossier”, c’est-à-dire plusieurs documents rassemblés autour d’un même thème, comme il y en aura d’autres sur ce site…

L’un des apports les plus importants d’Henri Laborit est sans contredit le concept d’inhibition de l’action, titre de l’un de ses ouvrages spécialisés et sujet d’un article d’Edward Kunz publié cette année (2014) dans Dialogues in clinical neuroscience. Or ce concept a été élaboré à partir des travaux fondateurs de Hans Selye sur le stress. Selye, qu’on nomme à juste titre le “père du stress”, a travaillé à l’Université de Montréal durant pratiquement toute sa carrière. Il a été, durant les années 1930, le premier à élaborer un modèle de cette réaction non spécifique de l’organisme à toute forme d’agression. Modèle que Laborit a par la suite inscrit dans une perspective évolutive plus large, comme réaction organique devant une menace lorsque la fuite ou la lutte deviennent impossibles, avec des conséquences potentiellement néfastes pour la santé si cette inhibition dure trop longtemps.

Les deux hommes se connaissaient bien et entretenaient des rapports cordiaux comme en témoigne un extrait d’entrevue d’environ 5 minutes avec Laborit tourné pour le film “Pour l’amour du stress”, réalisé à l’ONF en 1990 par Jacques Godbout.

Le film étant disponible ici sur le site web de l’ONF, vous pouvez donc l’écouter en entier pour mieux connaître la vie et les travaux de Selye. Mais si vous voulez simplement regarder l’extrait avec Laborit, vous n’avez qu’à avancer jusqu’à 36:05.

L’extrait est “succulent” à plusieurs égards. D’abord parce que Laborit y relate les congrès auxquels il était invité aux États-Unis où il se tenait avec Selye le polyglote car la langue de Shakespeare n’était pas la force de Laborit…

Ensuite pour la communauté d’esprit entre les deux personnages qui tous deux ont mis l’accent davantage sur le “terrain” (à la suite de Claude Bernard) plutôt que sur le “microbe” (comme Pasteur). Pour leur complicité évidente aussi, lorsque Laborit raconte que lorsqu’il a confié à Selye qu’à cause de son intérêt pour la multidisciplinarité on lui reprochait de faire de la philosophie, Selye lui aurait répondu :

“Des faits ils en veulent, alors on leur en donne, mais la seule chose qui compte, c’est les idées qui sont derrière…”

Finalement quand Laborit s’étonne de deux choses : d’abord qu’un scientifique et qu’un penseur comme Selye n’ait pas eu le prix Nobel; et d’autre part, que ça l’ait tant déçu de ne pas l’avoir, ce qui fait dire à Laborit, perplexe :

“Comment un type de cette ampleur intellectuelle pouvait-il encore croire à ces pendrouilles qu’on vous accroche autour du cou, etc…”


Par ailleurs, cette amitié entre Laborit et Selye, j’ai été à même de la constater lors de mon passage aux Archives Laborit en 2009 et 2012 pour préparer le film associé à ce site. Ayant alors accès à la correspondance privée de Laborit, je suis tombé sur quelques échanges épistolaires entre Laborit et Selye.

D’abord une lettre de Selye à Laborit daté du 30 septembre 1960 (cliquez ici pour le haut de la page, et ici pour le bas). Selye dit avoir reçu le seul ouvrage de Laborit édité en anglais aux États-Unis (et cela, on l’apprend dans une autre lettre envoyée cette fois-ci par Laborit à quelqu’un qui lui en faisait la demande). Selye demande surtout à Laborit de lui indiquer les points importants à faire ressortir de l’ouvrage dont Selye doit faire une recension, arguant qu’il y a trop de choses intéressantes pour l’espace qui lui est alloué ! On peut encore d’ailleurs trouver une trace de cette recension sur le Net : Stress and Cellular Function by H. Laborit (review by Hans Selye) (malheureusement pas accessible gratuitement), de même que quelques copies encore en vente.

Un peu plus de deux ans plus tard, le 19 janvier 1963, Selye écrit à Laborit qui vient de lui envoyer un exemplaire dédicacé de son livre Du soleil à l’homme. Selye écrit qu’il l’a regardé rapidement et qu’il a bien hâte de le lire.

Voilà un peu le genre d’éléments un peu plus original que ce qu’on a l’habitude de lire sur Laborit que j’aimerais apporter sur ce site. Rien de complètement nouveau, mais des petites perles oubliées pour les “historiens amateurs” du bonhomme comme moi…

Et si vous êtes de ceux ou de celles-là, restez à l’écoute : d’ici quelques jours, la suite de ce chapitre sur le stress avec une correspondance Laborit – Andrée Yanacopoulo, auteur de Hans Selye ou la cathédrale du stress (1993).


En terminant, la page Wikipedia française et anglaise sur Selye (cette dernière documentant les liens qu’a eu Selye avec les compagnies de tabac à partir des années 1950).

3 réflexions sur “Hans Selye et le stress, Laborit et l’inhibition de l’action

  1. Pingback: Eloge de la suite: Hans Selye et le stress, Laborit et l’inhibition de l’action | Pour une économie non-aristotélicienne

  2. Bonjour Bruno

    J’ai bien aimé le rapport d’amitié qu’avait Henri à l’endroit de Seyle mais aussi sa critique toute étonné du rapport de Seyle avec les récompenses et médailles de toute sorte en rapportant qu’au fond l’essentiel c’est que l’humanité a reconnu son apport à la connaissance du fonctionnement de l’organisme humain et l’a désigné sans contredit comme le père du stress. Il sera intéressant de comprendre la contribution d’Henri Laborit à l’égard du stress ou plutôt de l’agression psychosociale avec son texte dans lequel il fait la différence entre choc et agression et dans lequel il montre que le SIA ( le système inhibiteur de l’action ) est la commande externe de la réaction de stress de Seyle. Tes commentaires nous font apprécier le rapport entre ces deux grands chercheurs et surtout découvreurs. Merci

    ps. Est-ce que tu parles bien de Claude Bernard le célèbre biologiste
    français?

    • Oui, c’est bien ça, le “père”, pour sa part, de l’équilibre du milieu intérieur…
      Et merci pour ce commentaire et pour les nombreux documents sur Laborit que tu m’as confiés et qui seront bientôt mis en valeur sur le site.

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