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Henri Laborit, du neurone aux comportements humains : un disque 33 tours

pochette recto petitTel qu’annoncé la semaine dernière, voici un autre document envoyé par Marie Larochelle que je remercie encore une fois ici. Il s’agit de rien de moins qu’un disque 33 tours en vinyle où Laborit parle pendant une quinzaine de minutes. Pas évident de trouver un tourne-disque pour faire jouer cet objet de l’ère analogique ! Mais grâce à la précieuse collaboration de Jean-Philippe Villemure, j’ai pu numériser les deux côtés du disque et les rendre accessibles aujourd’hui sur le site. Cela compensera pour les extraits audio et vidéo de l’INA dont j’avais parlé ici et dont il semble peu probable que je puisse avoir les droits de diffusion (à moins de payer un prix de fou : je suis toujours en correspondance avec eux… mais c’est long…).

Pour en revenir à ce bon vieux vinyle enregistré en 33 tours mais n’ayant que 17 cm de diamètre (taille plus standard pour un « 45 tours »), l’année d’enregistrement n’apparaît pas sur la pochette. Mais grâce au seul site web que j’ai trouvé sur cette collection «Français de notre temps» (qui comporte plus d’une centaine de disques avec effectivement une immense majorité d’hommes…) sous le patronage de l’Alliance française, j’estime qu’il a dû être enregistré aux alentours de 1976. En effet, ce site en présente une vingtaine avec leur année de production (mais pas celui sur Laborit), mais l’on peut extrapoler à partir du dernier présenté (le #105 en 1975) que celui de Laborit viendrait vers 1976 car il porte le #115. Autre indice allant en ce sens : cette inscription en bas à droite sur le verso de la pochette du disque « 33 tours 115 FT 76 »…

pochette verso moyen

Bref, on serait donc l’année de publication d’Éloge de la fuite et deux ans après celle de La nouvelle grille, ce qui explique peut-être à quel point Laborit parvient à résumer en peu de mots l’essentiel de ses deux ouvrages phares du milieu des années ’70.

Voici donc d’abord le côté A du disque :


L’intervieweuse Aline Desalle commence en présentant Laborit comme scientifique et médecin, ce qui fait rire Laborit qui en profite pour souligner que la médecine a été très peu scientifique pendant longtemps. Il décline ensuite très brièvement son parcours de la médecine à chirurgie, puis à la recherche scientifique. On entre dans le vif du sujet vers la 3e minute quand Laborit signale que l’être humain se croit encore à tort distinct du reste de l’univers. Il aborde par la suite le phénomène des échelles de dominance qui se constituent dans les sociétés humaines actuelles par la détention d’information abstraite permettant la production et la vente de marchandises. Tout cela étant justifié par des discours logique qui donnent lieu aux guerres et à tout ce qui nous empoisonne l’existence. Et beaucoup de gens croient en la réalité de ces discours et c’est là où la connaissance, celle de la méthode scientifique par exemple, peut être salvatrice. Car comme Laborit l’explique, quand il fait une hypothèse logique dans son laboratoire, il se rend souvent compte qu’elle ne correspond pas nécessairement aux résultats empiriques.

Côté B du disque :


C’est au début de ce côté qu’on a droit à un condensé de l’origine et de la finalité des comportements humains, un peu comme il le résume dans ses interventions dans le film Mon oncle d’Amérique. Il rappelle ainsi que les systèmes vivants s’établissent en différents niveaux d’organisation dont la finalité demeure le maintien de la structure de l’organisme, qu’un système nerveux ne sert donc pas à penser, mais à agir pour maintenir l’équilibre de son milieu intérieur. Puis, avec les mammifères, on voit se complexifier des systèmes de mémoire qui vont nous permettre de retenir nos bons coups et d’éviter les mauvais. Et la plupart du temps, l’être humain passe son temps à ce niveau, à vouloir renouveler son plaisir. Plaisir qui passe, dans cette société de consommation où les individus sont bien conditionnés, par la possession d’objets. Et lorsque cet être humain est empêché d’agir, c’est le début de son drame avec l’inhibition de l’action. Lui reste différentes fuites possibles, dans la psychose, le suicide ou, s’il est plus chanceux, dans l’imaginaire. Et Laborit de conclure, anticipant sa conclusion dans le film de Resnais tourné quelques années plus tard, en disant :

« Jusqu’ici, on n’a été motivé que par la recherche de dominance. Le seul espoir que nous ayons, c’est que, le sachant, on puisse arriver à trouver la «parade». Sans cela, on n’en sortira pas. »

2 réflexions sur “Henri Laborit, du neurone aux comportements humains : un disque 33 tours

  1. Bonjour. Et toujours grand MERCI !

    Concernant l’INA, sa mission, son commerce… Les « ayant-droit » véritables ne sont-ils pas la parentèle directe d’Henri Laborit, gens aimables, ouverts et généreux ?

    Le jour où ces affaires (les affaires sont les affaires) de prétendus « droits » (1) seront enfin réduites à néant, on pourra peut-être enfin approcher de la démocratie, des véritables « Communs », etc.

    On n’en prend pas le chemin, hélas.
    · · · · · · ·
    1. Ayant eu le statut d’artiste un bon bail, JAMAIS je n’ai facturé un centime de prétendu « droit ».
    __________________

    Pour la route :

    « […]
    Produire et entretenir
    produire sans s’approprier
    agir sans rien attendre
    guider sans contraindre
    voilà la vertu primordiale. »

    Lao-tseu,
    Tao-tö king, X
    (Traduit du chinois par Liou Kia-hway et relu par Étiemble)

    · · · · · · ·

    « […] Rejette l’industrie & son profit,
    Les voleurs & les bandits disparaîtront. […] »

    Lao-tseu,
    Tao-tö king, XIX (Traduit du chinois par Liou Kia-hway).

  2. Qu’elle est riche cette interview ! Tout est clairement défini et compréhensible je pense par tous. Je vais la partager ! Merci Bruno !

    J’ai commencé à faire lire ma grand mère la “vie antérieure” de Henri Laborit, elle a l’air intéressée surtout qu’à un moment il parle de Mandel un chercheur Strasbourgeois dont les gens disaient comme pour Laborit qu’il s’éparpillait trop. Bref elle connaissait Mandel grâce à son père avec qui elle travaillait en tant qu’assistante.

    C’est incroyable que sur la pochette du disque il y est marqué “laboratoire d’entomologie de l’hôpital Boucicaut” au lieu de eutonologie (entomologie c’est l’étude des insectes). En tout cas ça m’a fait rire d’imaginer Laborit avec une épuisette chasser le papillon pour les examiner dans son laboratoire.

    Peut être, Bruno, pourriez vous créer une page de financement participatif ou un tipee pour acheter les droits de diffusion des vidéos et audios de Laborit sur l’INA.

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